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BRICS : la contribution de Lyndon LaRouche à un processus historique

Le 15 juillet 2014, les dirigeants des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine Afrique du Sud) se réunissaient à Fortaleza (Brésil) dans le silence tonitruant des médias occidentaux, beaucoup plus intéressés à épiloguer sur les derniers feux de la coupe du monde de football.

La plupart des dirigeants d’Amérique latine et des Caraïbes s’étaient joints à eux dans ce qui allait devenir un événément les plus importants de l’année puisque dans une déclaration historique, les représentants des pays présents annoncèrent la création de structures financières permettant concrètement d’élaborer une nouvelle règle du jeu économique basée sur le partenariat et le développement de projets communs. Ainsi, les BRICS annoncèrent qu’ils allaient se doter, notamment, d’une Nouvelle banque de développement (NBD) pour financer l’infrastructure et les projets de développement dans les pays membres ainsi que d’autres pays en développement. On apprit que le siège de la banque serait situé à Shanghai et que la nouvelle institution dotée d’un capital de départ de 50 milliards de dollars, avec une contribution égale des 5 pays fondateurs.

Ils annonçaient également dans leur déclaration la mise en place d’un système de réserve en devises (le BRICS Contingent Reserve Arrangement, CRA), avec une réserve de 100 milliards de dollars au départ, « pour aider à anticiper les pressions à court terme sur les liquidités ». La déclaration de Fortaleza contient donc en germe un système financier international entièrement nouveau, fondé sur le développement mutuel et la souveraineté des nations.

Soulignons que les projets ayant émergé directement de ce sommet ou bien ressortis des cartons portent principalement sur l’aménagement des infrastructures (énergie, transports, équipement de l’homme et de la nature, échanges de technologies, etc).

Face au silence embarrassé des medias officiels, il peut être intéressant de se pencher sur un aspect loin d’être marginal et qui pourrait expliquer celui-ci : le rôle de Lyndon LaRouche et de ses amis dans le monde.

Il faut tout d’abord réaliser que ces accords sont tout à fait dans l’esprit de ce que les anciens dirigeants des pays non-alignées avaient tentés de faire avant de se heurter à la puisssante machine de re-colonisation lancée par les institutions financières internationales avec la complicité de certains pays occidentaux et d’éléments corrompus dans leurs propres pays.

Au fil du temps, la voix des pays non-alignés s’était totalement éteinte, noyée par le fracas d’une mondialisation financière présentée comme un fait de nature mais, en réalité, portée par ceux-là mêmes que des dirigeants de caractère comme des Roosevelt ou Kennedy aux Etats-Unis, ou un de Gaulle en France s’étaient efforcés de combattre.

A partir du milieu des années soixante-dix, l’idée de progrès et de développement fut attaquée, d’ailleurs au nom de la modernité, jamais de manière frontale mais en remettant en cause leurs bénéfices et en leur substituant l’illusion – au nom d’un faux respect de la nature – que l’on ferait mieux avec moins, c’est-à-dire l’idéologie de la décroissance tellement en vogue aujourd’hui chez les nantis.

On en vint à s’en prendre à l’idée même de progrès (et surtout de progrès scientifique) en l’accusant d’être une relique poussiéreuse du passé qui avait peut-être fonctionné dans les pays occidentaux mais, en réalité, était inadaptée pour les autres parties du monde.

En avril 1975, alors que déferlaient les premières vagues de l’assaut contre le progrès, un Américain hors normes, Lyndon LaRouche, présentait dans des conférences de presse en Allemagne et en Italie un projet de Banque internationale de développement (International Development Bank). idb_iclc-16df9Ce projet condensait les principes essentiels de la bataille politique internationale qu’il avait engagé en faveur de politiques économiques reposant sur le principe du droit inaliénable de tout individu et de toute nation au progrès et au développement sous toutes ses formes : progrès scientifique, économique, culturel, social politique.

L’appel proposait que les trois principales zones politiques et économiques (pays en voie de développement, pays industrialisés de type capitaliste et pays du bloc socialiste) s’engagent – au travers d’accords multilatéraux – à des transferts de capitaux, basés sur des crédits à long terme et faibles taux d’intérêt, et de biens, dans les secteurs de l’énergie, des matières premières et de la nourriture, afin de mettre fin au sous-développement de l’Afrique, de l’Amérique latine et de larges régions de l’Asie et afin d’assurer une véritable sécurité à l’échelle mondiale.

Un an plus tard, quatre-vingt-cinq nations, représentant deux milliards d’individus, se retrouvaient à Colombo (Sri Lanka) pour le 5ème sommet du Mouvement des pays non-alignés. A cette occasion, une déclaration commune était publiée le 19 août 1976 appelant à un Nouvel ordre économique international dans laquelle on retrouvait l’un des points essentiel développé par M. LaRouche dans son appel : la création d’une Banque des pays en développement (Bank of the Developing countries).

Le fil, ténu, était renoué avec le principe inaliénable du droit au développement et à l’auto-détermination et serait renforcé petit à petit. Le 27 septembre 1976, Frederick Wills, le ministre des Affaires étrangères du Guyana (République coopérative de Guyana) et ami de Lyndon LaRouche, s’adressait à l’Assemblée générale des Nations Unies pour y demander la mise en place d’un Nouvel ordre économique mondial s’appuyant sur la création d’une banque internationale de développement et mettant en place un moratoire sur la dette des pays en voie de développement.

Pour Lyndon LaRouche, il fallait créer les conditions où ces déclarations d’intention deviennent une réalité tangible dans un monde d’inégalités croissantes où les intérêts financiers prédateurs exeçaient de plus en plus leur emprise. C’est ainsi que le 15 août 1971, sous Nixon, le dollar avait été découplé de l’or ouvrant ainsi la voie aux taux de changes flottants et à un processus de dérégulation financière tous azimuts. En 1981, Paul Volcker, alors président de la réserve fédérale, portait le taux directeur de 11% à 20%, hausse dont les conséquences sur les économies des pays du Sud déjà endettées furent dévastatrices.

Des non-alignés aux BRICS ?

En 1977, M. LaRouche publiait« Le combat pour la liberté de l’Inde : un nouveau programme » 1. Il pensait que si l’Inde établissait une Banque internationale de développement pour de grands projets infrastructurels et appelait à un moratoire sur la dette comme « arme stratégique », elle prendrait de facto la tête du Mouvement des non-alignés.

indira-ghandi-interview-EIR1980_0L’Inde se montra alors très réceptive à ces propositions et ce, au plus haut niveau. En 1978, Executive Intelligence Review (EIR), publication associée à Lyndon LaRouche, publia le premier de plusieurs entretiens avec Indira Gandhi ouvrant la voie à un dialogue sur l’avenir de l’Inde avec, en 1980, le programme de LaRouche sur l’industrialisation de l’Inde2.

En 1982, LaRouche était reçu par Indira Gandhi lors d’une tournée où il rencontra également des élus, industriels, économistes et journalistes et fut invité à prendre la parole devant différentes instances officielles (Conseil indien des affaires mondiales ou l’Institut d’études et d’analyses pour la défense).

Toutefois, ses propositions ne se limitaient nullement à l’Inde. En 1979 ses amis de la Fondation pour l’énergie de Fusion (FEF) organisaient à Paris une conférence intitulée « L’industrialisation de l’Afrique » sur l’urgence d’un Nouvel ordre économique international comme précondition au développement du continent africain. L’impact de cette conférence fut considérable. Elle prenait le contre-pied d’un courant de pensée estimant qu’il fallait se limiter, pour l’Afrique, à des petits projets durables et purement locaux – la pompe à eau, l’école ou le dispensaire du village (toutes choses par ailleurs indispensables) – comme si l’on avait décidé une bonne fois pour toute qu’à l’opposé de toutes les nations et populations du monde, la société africaine était incompatible avec science, industrie et technologie.

Industrialization_of_Africa-FEF_1980_0On y parla de la tradition des bâtisseurs de cités. On y parla des secteurs qui pourraient facilement, devenir les piliers d’une économie africaine moderne : agriculture, production d’acier, chimie, etc. On y parla de l’oeuvre exemplaire de Cheikh Anta Diop.

On aborda également la prévention des épidémies qui auraient sauvé bien des vies humaines si elle avait été mise en place dès cette époque.

Pour beaucoup d’Africains ou d’amis de l’Afrique, c’était la première fois depuis longtemps qu’était affirmé aussi clairement et audiblement non seulement le droit mais la nécessité pour celle-ci de devenir un continent industrialisé et bénéficiant de toutes les avancées du progrès sous toutes ses formes.

Une bataille internationale, par nécessité

Les amis de M. LaRouche agissant à l’échelle internationale, les mêmes conceptions furent présentées en Amérique latine et reçurent un accueil particulièrement favorable de la part du président du Mexique, José Lopez Portillo. Notons au passage que ce dernier, comme Indira Gandhi, était issu d’une génération née avant-guerre et peu affectée par les changements de paradigmes culturels ayant produit des dirigeants dépourvus de caractère et prêts à tous les compromis.

En 1982, José Lopez Portillo recevait M. et Mme LaRouche. Dans la conférence de presse qui suivit son entretien avec le président, Lyndon LaRouche proposa que les nations d’Amérique latine s’unissent pour déclarer une « bombe de la dette » contre Wall Street et la City de Londres afin de forcer une restructuration du système économique mondial. Très rapidement, il rédigea, à l’intention du président mexicain, un document regroupant ses réflexions et propositions pour l’avenir du Mexique et de l’Amérique latine intitulé « Operation Juarez ». LaRouche revenait sur la nécessité pour des républiques souveraines d’Amérique du Sud de coopérer et de s’entendre sur des réformes conjointes de leurs institutions de crédit, monétaire et bancaire et sur l’établissement de banques nationales totalement indépendantes des intérêts privés. Le crédit national pour de grands projets d’un intérêt mutuel devait ainsi remplacer le contrôle oligarchique du crédit privé.

En août 1982, au grand désarroi des milieux promouvant la recolonisation de l’Amérique latine, le président Lopez Portillo annonçait le contrôle des capitaux et des émissions de crédit, la nationalisation de la banque du Mexique ainsi qu’un moratoire sur la dette mexicaine.

Hélas, un grand moment de l’histoire venait de trouver des dirigeants sans caractère à la tête du Brésil et d’Argentine, deux pays qui s’étaient engagés à soutenir Lopez Portillo mais ne tinrent pas leurs promesses. L’administration Reagan fit le nécessaire pour saboter l’opération Juarez créant les conditions qui prévalent aujourd’hui dans un Mexique gangréné par les mafias de la drogue qui sèment le crime et la terreur et des dizaines de milliers de Mexicains contraints de fuir leur propre pays.

Le 1er octobre, Lopez Portillo déclarait devant l’Assemblée générale des Nations-unies : « La préoccupation la plus constante du Mexique et son activité sur la scène internationale porte sur la transition vers un Nouvel ordre économique mondial (…) Cessons de continuer dans ce cercle vicieux : cela pourrait être le début d’un nouvel âge des ténèbres comme au Moyen-Age, sans perspective d’une Renaissance (…) Nous n’avons pas le droit d’échouer. Il y a des raisons de s’alarmer. Non seulement l’héritage de la civilisation est en jeu, mais également la survie même de nos enfants, des générations futures et de l’espèce humaine. »

Allumer des foyers de résistance partout

Le 19 février 1983, à la veille du 7ème sommet des non-alignés à New-Delhi, Lyndon et Helga LaRouche se retrouvent à Paris pour participer à une conférence internationale soutenant – depuis le monde industrialisé – la création d’un Nouvel ordre économique mondial. Notons la présence, au sein d’un public composé de diplomates, scientifiques et de représentants politiques, de Frederick Wills, le ministre des affaires étrangères du Guyana.

Trois semaines plus tard, le 8 mars, le Sommet des non alignés s’ouvrait en Inde sous le patronage du premier ministre, Indira Gandhi qui, après avoir constaté dans son discours liminaire que l’humanité balançait entre le risque d’un effondrement économique et celui d’une guerre nucléaire, appelait à la convocation d’une conférence internationale se donnant pour objectif de réfléchir aux moyens de mettre l’argent au service du développement. Elle précisait qu’une telle conférence devrait proposer des réformes de fond du système monétaire international en vue de faciliter le financement des investissements dans les secteurs vitaux tels que la nourriture, l’énergie et le développement industriel. A cela s’ajoutait la nécessité d’une restructuration de la dette qui, pour les pays en voie de développement, avait explosée. « Les yeux du monde sont braqués sur nous. Prenons ici la décision d’initier un Nouvel ordre économique international et d’appeler à une conférence internationale sur la monnaie et le financement du développement » déclara Indira Gandhi devant la centaine de chefs d’Etat réunis pour le sommet à l’issu duquel ils adoptèrent « l’Appel de New Delhi », reprenant l’essentiel de qu’elle avait dit et de la déclaration de Colombo de 1976.

Quelques mois après, en juillet 1983, une nouvelle rencontre entre Indira Gandhi et Lyndon LaRouche eut lieu et amènera celui-ci à écrire un rapport portant sur « Une perspective de développement à cinquante ans pour les bassins océans indien et pacifique ».

En octobre de la même année, Lyndon LaRouche se rendit à Bangkok où il était invité à une série de conférences sur la construction du Canal de Kra, un important projet d’infrastructure destiné à couper l’isthme de Kra en Thaïlande offrant ainsi une voie plus courte aux navires et en leur évitant de faire le tour de la Malaisie.

Il devenait cependant de plus en plus clair qu’aucun projet ne se ferait, en dehors du monde occidental, en raison du veto des milieux financiers oligarchiques. Si la décennie des années quatre-vingt était encore celle de tous les possibles, le poids politique de cette oligarchie, qui gagnait chaque jour en force et en arrogance, se faisait déjà sentir avant de culminer avec le Big-Bang dérégulationniste de Margaret Thatcher en 1986, modèle d’une “économie libérale” qui ouvrit la voie à la casse méthodique des économies, à une spoliation sans précédent des peuples et au détricotage des processus démocratiques.

La création par Mme Helga Zepp-LaRouche de l’Institut Schiller, du nom du poète allemand Friedrich Schiller, s’inscrit donc, légitimement dans ce contexte.

Dès le 15 janvier 1985 (aux Etats-Unis, le “Jour de Martin Luther King”), l’Institut Schiller célèbre la mémoire de Luther King avec une marche rassemblant 10 000 personnes à Washington en défense des droits inaliénables de l’homme et d’un nouvel ordre économique mondial afin de rappeler au gouvernement de la première puissance économique mondiale les principes pourtant inscrit dans la Constitution dont il est le gardien.

En 1986, l’Institut publie un ouvrage intitulé « Intégration ibéro-américaine, cent millions de nouveaux emplois pour l’an 2000 » qui nourrira la réflexion des Sud-américains ne se résignant pas à voir leurs populations émigrer en masse.

En janvier1988, l’Institut Schiller organise, symboliquement, une Conférence à Bretton Woods dans le New Hampshire pour demander un Nouvel ordre économique mondial. Frederick Wills, honorera de sa présence cette conférence dont les travaux seront publiés sous forme d’un livre « Le développement est le nom de la paix ».

L’occasion manquée de 1989

Lorsqu’en 1989, l’Union soviétique s’effondra, on pouvait penser que les points de tension qui avaient mené à la guerre froide et qui pesaient sur le monde allaient disparaître et paver le chemin à des projets développement. On pouvait penser que le pacte de Varsovie n’étant plus, il en serait de même de l’Otan, que les pays européens entreprendraient immédiatement d’aider au développement des anciens satellistes du bloc communiste et qu’ils rendraient justice aux pays moins développés..

Il n’en fut rien. Au lieu et place d’un tel partenariat, il y eut, d’un côté, la fameuse Perestroïka avec les rapaces financiers se précipitant pour piller tout ce qu’ils pouvaient, et, de l’autre, une bien opportune guerre des Balkans qui empêcha toute possibilité d’un plan de développement, du type de ce ce qu’avait proposé l’Institut Schiller dès la chute du mur de Berlin.

eurasian_rail_road_to_peace-EIR1992_0En effet, si les pays européens avaient adopté le projet de “Triangle productif Paris-Berlin-Vienne” proposé initialement par l’Institut Schiller, non seulement ils auraient créé de nouveaux débouchés pour leurs économies respectives mais l’amélioration que l’on pouvait en attendre dans les anciens pays du bloc de l’Est aurait rayonné bien au delà de la seule Europe et aurait entraîné les autres régions du monde dans une dynamique conjointe de développement.

C’est d’ailleurs pour rendre ce concept encore plus explicite et pour susciter des échos au sein des pays concernés que l’EIR publia, en 1992, un rapport3 appelant à une alliance pour le développement entre les nations eurasiatiques comme fondation pour un Nouvel ordre économique et financier.

La Russie entre en scène

Ces appels trouvèrent effectivement des réponses et, fin 1992, avait lieu à Moscou, la toute première conférence de l’Institut Schiller en Russie pour y annoncer la publication en russe du livre de Lyndon LaRouche “So you wish”, le 1er d’une série de plusieurs ouvrages sur l’économie physique publié dans cette langue.

En 1994, c’est Lyndon LaRouche qui se rendait lui-même en Russie où il était invité pour une série de conférences devant des auditoires tels que l’Académie des sciences. Là encore, ce sera la première de plusieurs visites. Le message qu’il délivre à ses interlocuteurs est le suivant : « Les problèmes de la Russie ne sont qu’une réflexion, non des conditions internes à la Russie mais de l’effondrement de l’économie mondiale (…) Ce qui va se passer, sans le moindre doute, est un effondrement du système financier global (…) S’il y a un accord sur des principes économiques sains, alors il peut y avoir un accord entre Etats pour rétablir, très rapidement, un nouveau système financier et monétaire mondial en remplacement de l’ancien, que l’on mettra en banqueroute. »

Cette visite, dans laquelle LaRouche est invité, en outre, à s’adresser à l’Institut de l’information scientifique et des sciences sociales, à l’Institut des études orientales et à l’Institut de l’Afrique, représente une prise de contact avec l’intelligentsia russe et jouera un rôle significatif dans la présentation du programme de LaRouche devant la Douma (le Parlement russe) le 20 février 1995).

Ce jour là, la Douma se réunissait afin de discuter des mesures d’urgence à prendre pour empêcher la désintégration de l’économie russe. Des membres de l’Institut Schiller y étaient invités pour présenter un memorandum de Lyndon LaRouche intitulé « Perspectives en vue d’une reprise de l’économie russe » dans lequel celui-ci soulignait qu’aucune solution n’était possible à l’intérieur d’un ordre économique basé sur le système des taux de change flottants de 1971 et les politiques de conditionnalités du FMI et qu’il était par conséquent indispensable d’élaborer une nouvelle architecture financière et économique globale. Ces idées ne tombèrent pas dans des oreilles de sourds et, trois mois plus tard, Lyndon LaRouche s’adressait en personne à la Douma pour y parler du système financier mondial et des problèmes de croissance économique. A l’Université d’Etat de Moscou, LaRouche expliquera que le monde s’acheminait vers ce que Rosa Luxemburg identifiait comme une crise d’effondrement.

Ce que LaRouche avait « intersecté » en Russie était une tradition d’intellectuels, principalement, dans le domaine de la science et de l’économie pour qui le fait de trouver un interlocuteur occidental en mesure de comprendre les fondements de leur pensée et d’échanger sur cette base était une expérience peu commune. C’est l’un des aspects qui joua un rôle important pour les visites que LaRouche fit en Russie, celle-là comme les suivantes.

En appeler au peuple

En France, la bataille en faveur d’un nouveau système basé sur le droit au progrès et au développement pour tous pris une forme publique et frontale avec, en 1995, la candidature de Jacques Cheminade à l’élection présidentielle sur les bases proposées par son ami américain Lyndon LaRouche.

Malgré une hostilité de la presse dépassant toutes les bornes, Jacques Cheminade mena campagne – hormis les questions plus spécifiquement de politique intérieure – sur tous les points qu’un LaRouche s’efforçait de faire passer. En particulier, il rappela la responsabilité de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies en soulignant qu’elle devrait s’engager aujourd’hui à des partenariats dans des projets d’infrastructure d’une importance capitale, comme la remise en eau du Lac Tchad.

Quand la crise frappe à la porte

Parrallèlement aux visites de Lyndon LaRouche en Russie, sa femme Helga Zepp LaRouche était invitée en 1996 à Pékin au Symposium international pour le développement économique et un nouveau pont continental euro-asiatique, sous l’égide du ministère chinois des Affaires étrangères et de la coopération économique. Le discours d’Helga Zepp LaRouche s’intitulait « Construire le pont terrestre de la route de la soie : base pour les intérêts de sécurité mutuelle de l’Asie et de l’Europe (Building the Silk Road Land-Bridge: The Basis for the Mutual Security Interests of Asia and Europe). Le titre annonçait très explicitement qu’il y avait un grand intérêt pour l’Asie comme pour l’Europe à développer un partenariat économique basé non plus sur la simple recherche du profit mais sur la création de richesses communes, seule possibilité d’assurer une sécurité à long terme.

Les amis de M. LaRouche se chargèrent de porter à la connaissance du public occidental ces nouveaux développements en organisant des événements de nature à jouer un rôle catalyseur. eurasian_landbridge_special-report-EIR_0Tel fut le cas du séminaire du 5 février 1995 à Washington D.C. réunissant des diplomates où M. et Mme LaRouche annoncèrent la publication d’un dossier de 300 pages « Le pont terrreste eurasiatique : la locomotive de la nouvelle Route de la soie pour un développement mondial ».

Au préalable, début janvier, M. LaRouche avait lancé au président Clinton un appel, l’invitant à proposer un « Nouveau Bretton Woods », à déclarer la faillite du système actuel et sa réorganisation autour du développement productif, par opposition à l’économie spéculative.

Or, en septembre 1998, alors qu’il revenait d’un sommet officiel en Russie, le président Clinton dans un discours au Conseil des relations étrangères, à New York, appela précisément à « une nouvelle architecture financière pour le 21ème siècle ». Cet appel, faisant un premier écho à celui de LaRouche, était d’autant plus important qu’avec le crash d’août 1998 du marché des titres russes, les GKO, une réaction en chaîne menaçait. Toutefois, cette prise de position du président Clinton resta lettre morte, refoulée à l’arrière plan et étouffée par le déluge qui allait s’abattre sur lui avec une affaire Levinski montée par ses adversaires.

Inutile de dire qu’en Russie, la crise des GKO avait renforcé l’intérêt pour les idées de LaRouche. Ce n’est toutefois qu’en juin 2001 que LaRouche retourna à Moscou où il était de nouveau invité à s’exprimer devant la Douma pour des auditions organisées par Sergei Glaziev, le président du Comité de politique économique de la Douma. larouche-helga-glazyev-press-conference_0Ces auditions, retransmises en direct au sein des bureaux de la Douma, suivies par cent cinquante députés et conseilleurs du gouvernement furent ouvertes par Sergei Glazyev en ces termes : « Je vais ouvrir nos auditions parlementaires en donnant la parole à notre invité, le philosophe, historien et économiste bien connu, M. Lyndon LaRouche. »

Entretemps, du fait de la crise des GKO et de la crise asiatique qui frappait l’Asie, l’intérêt pour les idées de Helga Zepp LaRouche était au plus haut et se concrétisa sous forme d’une nouvelle invitation, en octobre 1998, à se rendre à Pékin pour une conférence sur les relations commerciales et économiques du 21ème siècle entre la l’Asie et l’Europe où elle prononça, lors de la session d’ouverture, un discours sur les « Principes de politique étrangère du nouveau Pont terrestre eurasiatique dans l’ère à venir ». Comme elle l’expliqua aux participants : « Alors que l’effondrement du système financier global représente de toute évidence un danger énorme pour l’existence de nations entières et de leurs populations, le discrédit total des institutions associés à ce système, représente, en même temps, une chance sans précédent pour remplacer les principes iniques du vieil ordre politique et économique avec d’autres, nouveaux et justes, qui permettront d’assurer la survie et le bien-être de toutes les nations sur cette planère. »

Du fait d’une situation économique apparaissant chaque jour plus intenable, d’autres pays n’hésiteront plus à manifester leur intérêt pour ces idées. C’est ainsi qu’en janvier 2001, Lyndon LaRouche se rendit à Khartoum, Soudan, pour une conférence de quatre jours organisée par l’EIR et l’Institut Schiller sur le thème de la « Paix par le développement : le développement de la vallée du Nil et le nouvel ordre économique mondial ». Dans le discours d’ouverture de cette conférence, M. LaRouche, élabora la question du « Système de nouveau Brettton Woods pour un Nouvel ordre économique mondial » dans lequel il spécifia trois principes devant servir de fondation à un nouveau système économique international :

  1. Rétablir un système de taux de change fixes, avec contrôle des capitaux et des devises et une croissance reposant sur de grands projets d’infrastructures indispensables au décollage de l’économie et des secteurs clefs comme l’agriculture et l’industrie.

  2. Les nations souveraines doivent être toutes partenaires à part entière de ce nouveau système monétaire international. C’est une différence fondamentale entre l’ancien système de Bretton Woods et ce qui doit être mis en place pour le remplacer.

  3. Nous ne devons dépendre pour l’essentiel que du crédit émis par les gouvernements de d’Etats-nations parfaitement souverains, pour générer les accords à moyen et long terme, à l’échelle domestique ou internationale, à partir desquels toute relance économique doit être basée.

L’Inde, toujours à l’écoute

De 2001 à 2003, Lyndon et Helga Zepp LaRouche revinrent plusieurs fois en Inde où ils eurent l’occasion de rencontrer des personnalités scientifiques et politiques, dont le président K.R. Narayanan, pour approfondir la discussion sur le moyen de créer un nouveau système respectant le droit inaliénable des nations et des populations au progrès et au developpement et pour rassembler les forces nécessaires.larouches-india_pres-EIR2001_0 Il faut noter, en particulier, la présence de LaRouche, en 2003, au séminaire de l’Institut pour la croissance économique de l’Université de New Delhi, l’un des principaux think-tank dans lequel se façonnent les choix politiques de l’Inde. Lors d’une conférence au Département de sciences politiques de l’Université de Jaipur, LaRouche souligna que le triangle stratégique Russie-Chine-Inde devait constituer le moteur central de la croissance économique dans le monde et qu’il convenait de mettre à profit l’expérience de la première phase de Bretton Woods pour immédiatement réorganiser le système financier et monétaire international.

Au cours de ces années, les idées amenées par Lyndon LaRouche firent leur chemin face à la pression sans cesse croissante et toujours plus destructrice de la finance folle et l’on peut bien supposer que ce n’est pas le fruit du hasard si, en 2004, Sergei Glaziev se prononça, alors qu’il venait de déclarer sa candidature à l’élection présidentielle russe, pour une « nouvelle architecture financière mondiale ».

En 2005, un séminaire était organisé à Berlin par l’EIR avec des participants russes, chinois, indiens, européens et américains pour défendre et promouvoir des « principes westphaliens4 » devant être le socle d’un nouvel ordre international entre Etats-nations souverains. En effet, il devenait nécessaire d’approfondir et d’affiner le concept de ce que doit être une véritable entente internationale et il apparaissait que ces principes, basés sur le dialogue des civilisations et la notion de« l’avantage de l’autre », sont en réalité les seuls à même de garantir la paix et l’avenir entre nations. Deux documents furent rédigés par LaRouche pour servir de base de réflexion : « Vers une deuxième paix de Westphalie : le monde eurasiatique à venir » et « Le Dialogue des civilisations : les cinquantes prochaines années de notre planète ».

C’est aussi en 2005 que Mme LaRouche relancera son appel en faveur d’un Nouveau Bretton Woods, sous forme d’une pétition internationale qui sera signée nombre d’élus et de représentants de gouvernements, dont plusieurs députés italiens, ainsi que des économistes et personnalités de différents pays.

Cet appel ne passera pas inaperçu puisque le 4 septembre 2005, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies le ministre des affaires étrangères argentin, Rafael Bielsa, appellera à uneconférence internationale des chefs d’Etat, semblable à celle de Bretton Woods en 1944, pour reconstruire une architecture monétaire et financière internationale plus juste qui élimine les bulles financières et se concentre sur le soutien à l’économie réelle.

Ce discours, préparé en coordination avec le président argentin, Nestor Kirchner, faisait suite à la victoire de l’Argentine contre les fonds vautours, qui tentaient d’imposer leur pillage à son pays et à son peuple. Refusant de se soumettre aux conditionnalités et aux menaces du FMI, Nestor Kirchner avait déclaré lors d’un précédent discours : « Il y a la vie après le FMI et c’est une très bonne vie (… ) J’ai trouvé une Argentine dévastée par un programme économique soutenu par le Fonds monétaire international : la prépondérance des intérêts privés sur l’intérêt général était l’expression d’un modèle spécifique de société qui mena à une pauvreté généralisée, à l’incertitude, à l’isolation et à l’appauvrissement de la vie à tous les niveaux … »

En 2006, Nestor Kirchner s’adressera cette fois-ci directement à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 21 septembre en appelant à une « nouvelle architecture financière » pour remplacer

le système destructeur et en faillite du FMI.

Le contrepoint russe

Il va sans dire que les déclarations de Kirchner lui valurent peu d’amis dans les rangs des institutions financières internationales et de leurs relais médiatiques. Pour eux toute résistance se trouve qualifiée de « déviationnisme » économique et politique et entraîne leurs campagnes qualifiées dans la langue anglaise de « character assassination », expression mal traduite en français par « campagne de diffamation» (qui ne rend pas compte de l’intention de « casser » celui, ou celle, qui s’oppose au système prédateur).

Ceci s’applique aujourd’hui au cas de Vladimir Poutine. Or, il se trouve que l’un de ceux à avoir réclamé une « nouvelle architecture internationale des relations économiques » a justement été Vladimir Poutine lors du Forum économique international de Saint-Petersbourg en 2007 !

Devant pas moins de 10 000 personnes de soixante cinq pays (dont cinq présidents, quatre premiers ministres et quarante ambassadeurs) Vladimir Poutin souleva le rôle de plus en plus important joué par les pays en « voie de développement » dans l’économie mondiale et déclara que les institutions financières internationales actuellement existantes avaient besoin d’être « sérieusement restructurées ».

Lyndon LaRouche et la crise de 2007

La crise de 2007 sera une preuve, s’il en était besoin, de l’état de décomposition du système économique et financier. Dès le 25 juillet, dans une conférence internet, Lyndon LaRouche réaffirmait que le système bancaire avait atteint un point où un effondrement catastrophique ne pouvait plus longtemps être évité. On connaît la suite …

Autant dire, à partir de là, que la preuve n’était plus à faire de l’urgence de changer de système.

Parmi la multitude des interventions en faveur d’une reconstruction du système économique et financier sur des bases justes menées par M. et Mme LaRouche et leurs associés à l’échelle internationale, leur campagne pour la réintroduction du Glass Steagall Act (séparation des banques en deux) est essentielle pour mettre l’oligarchie financière hors d’état de nuire. Les interventions de Mme LaRouche aux sessions du Forum mondial de Rhodes consacré au Dialogue des Civilisations sont et ont été, elles, l’occasion d’approfondir un dialogue entre forces déterminées à un changement de paradigme.

helga-larouche-CCTV-Dialogue_0Le travail de plusieurs décennies auprès de forces qui, de l’Inde à la Chine, en passant par le Mexique, la Russie, le Soudan ou l’Argentine ont pris au sérieux des idées qui, pour beaucoup, semblaient irréalistes, a contribué à créer une convergence de forces autour de celles-ci. Les voix isolées qui se faisaient entendre l’une après l’autre ont trouvé le moyen de former un véritable choeur. C’est ainsi que, dès mars 2012, les présidents Dilma Rousseff, Dimitri Medvedev, Manmohan Singh, Hu Jintao, and Jacob Zuma se retrouvèrent pour le sommet des BRICS à New Delhi où, faisant écho au sommet des non-alignés de 1983, ils appellèrent d’une seule et même voix à une « nouvelle architecture financière internationale ».

Toutefois, à la différence de leurs homologues en 1983 qui ne pouvaient pas s’appuyer sur les mêmes leviers qu’eux, certaines propositions entrèrent dans le vif du sujet : « Nous avons considéré la possibilité de mettre en place une nouvelle Banque de développement qui mobiliserait les ressources nécessaires aux infrastructures des BRICS et d’autres économies émergentes et pays en voie de développement. Nous avons donnné les instructions à nos ministres des Finances pour qu’ils examinent la faisabilité et la viabilité d’une telle initiative, qu’ils réunissent un groupe de travail conjoints et nous transmettent leurs conclusions d’ici au prochain sommet ».

Deux ans plus tard, alors que, en l’absence des réformes de fond pourtant d’une urgence criante et alors que le monde semblait basculer vers un point de non retour, les pays des BRICS de rassemblaient à Fortaleza et prenaient entre leurs mains la responsabilité d’un changement qui aujourd’hui représente l’un des derniers espoirs de sauver l’humanité d’un chaos autrement inévitable. Nous espérons que plus le péril s’accroît, plus croît ce qui sauve, pourvu que nous mobilisions ensemble toutes nos forces.

Le combat exige du courage. Lyndon Larouche l’a payé de cinq ans de prison aux Etats-Unis entre 1989 et 1994, et il a été, ainsi que Jacques Cheminade, l’objet d’une constante campagne de diffamation et de harcèlement du FBI. C’est un courage qui doit être aujourd’hui partagé alors que se présente l’occasion d’en finir avec l’oligarchie, le rêve des Lumumba, Gandhi, Sankara et de tous ceux qui furent écartés du pouvoir par la violence. Leur sacrifice ne doit pas avoir été vain, car il nous concerne tous.

1The Struggle For Indian Freedom : A New Program

2The Industrialisation of India : From Backwardness To Industrial Power In Forty Years

3Eurasian rail project paves road to peace, EIR, 17 juillet 1992.

4Les traités de Westphalie de 1648 mirent fin aux guerres de religions et, de facto, créèrent le droit international.

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