Alors que le sommet du G20 vient de s’ouvrir sur fond d’une crise syrienne pouvant échapper à tout contrôle, l’un des thèmes qui y sera discuté portera sur la confiscation des dépôts « non garantis » des clients, en cas de faillite de banque systémique (too big to fail).
Cette discussion a été préparée en amont dès juillet avec la réunion des ministres des Finances des pays du G20 – à laquelle était invitée la conseillère fédérale suisse Eveline Widmer-Schlumpf – qui ont signé une déclaration conjointe soutenant le projet de bail-in (renflouement interne) du Conseil de stabilité financière. Une mise à jour de ce projet de bail-in, trompeusement baptisé « résolution bancaire », doit être présentée au sommet de Saint-Pétersbourg.
La présence de la conseillère à cette discussion préparatoire est d’autant plus significative qu’il n’y aura aucun représentant suisse au sommet alors que l’un des sujets inscrit au programme porte sur une question qui intéresse pourtant de près la Confédération : transparence fiscale, échange automatique de données, imposition des multinationales et préparation d’une déclaration en quinze points pour la lutte contre le transfert de gains vers des pays à imposition basse.
En définitive, la seule déclaration sur laquelle l’avis helvétique aura été sollicité sera donc celle sur le bail-in, avis dont on peut aisément imaginer qu’il a été positif, compte tenu de l’adoption par la FINMA dès novembre 2012 d’un mécanisme de bail-in (voir De Nicosie à Berne, ou vice-versa ?). La déclaration de la réunion préparatoire affirme : « Nous prendrons toutes les mesures législatives et autres nécessaires pour permettre aux autorités de résoudre les institutions financières de façon efficace, y compris dans un contexte dépassant les frontières. »
Alors que le président russe, Vladimir Poutine, et d’autres membres de son gouvernement se sont prononcés contre le bail-in, les responsables de la Banque centrale russe l’ont, quant à eux, soutenu avec enthousiasme. Aux Etats-Unis, la saisie des dépôts « non-garantis » (supérieurs à 250.000 dollars) est déjà comprise dans la « réforme » Dodd-Frank ; au sein l’Union Européenne, elle sera prochainement adoptée par le Parlement européen (pour les dépôts supérieurs à 100.000 euros). Cependant, derrière ce mécanisme de vol soigneusement planifié par les gouvernements envers leurs propres populations, la réalité est brutale : les moyens dont les fonds de garantie essayent de se doter seront insuffisants en cas de krach, d’autant plus que les produits dérivés financiers sont dans la plupart des cas explicitement exclus du bail-in.
Il reste à voir ce que les autres membres du G20, comme l’Argentine, la Chine, l’Inde, etc., auront à dire sur ce sujet. L’erreur fondamentale est que l’on présente comme seule alternative pour les banques « trop grosses pour faire faillite » soit le bail-in (saisie des actionnaires et des déposants) soit le bail-out (renflouement par les Etats, c’est-à-dire les contribuables), alors que la solution se trouve dans une direction complètement différente : une réorganisation et une séparation des banques à l’identique du Glass-Steagall Act, qui mettraient les actifs toxiques à la poubelle plutôt que de tenter de les sauver.
Quoi qu’il en soit, le dossier préparé par Washington pour le sommet est digne d’Alice au pays des merveilles. Dans un briefing téléphonique du 30 août, les porte-parole de la Maison Blanche ont expliqué que les Etats-Unis veulent donner le ton lors du G20 car l’économie américaine est « en pleine reprise ». Et d’ajouter que si l’on compare avec tous les sommets depuis novembre 2010, « nous avons aujourd’hui une bien meilleure économie ». Les autres pays doivent apprendre le secret de « la croissance et de la création d’emplois » qui a si bien marché aux Etats-Unis, a déclaré l’un des responsables (sic). En réalité, l’économie physique (non financière) des Etats-Unis est en chute libre depuis des années. La pauvreté a augmenté à une vitesse fulgurante. Déjà en janvier 2012, une étude de la New American Foundation montrait que 40 % de tous les emplois existants étaient à bas salaire (définis comme inférieurs à deux fois le seuil de pauvreté, soit 22.000 dollars ou moins pour une personne), alors que ce chiffre était d’environ 28 % en 2008.
Peut-être plus parlant que les statistiques est le fait qu’en mai 2013, plus de 15 % de la population, soit 47,5 millions de personnes, avaient recours aux coupons alimentaires pour se nourrir, l’équivalent de la soupe populaire, et ce chiffre a augmenté depuis. De même, le Journal of the American Medical Association du 10 juillet montre que sur 34 nations de l’OCDE, considérées comme des « pairs économiques » des Etats-Unis, ces derniers étaient 27ème en termes d’espérance de vie, tout en étant premiers quant aux sommes dépensées pour la santé par individu.
Voilà donc le « modèle économique robuste » que Barack Obama entend imposer au reste du monde, lors de ce sommet.
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