En pleine crise financière, on se réjouit d’assister au lancement du projet de Pascal Jaussi ingénieur, pilote d’essai et fondateur de la société Swiss Space System. Si ce projet réussit, il dotera la Suisse d’un spatioport d’ici à 2015 pour une future navette suborbitale baptisée Soar (Sub-Orbital Aircraft Re-Usable) dont le premier vol d’essai est prévu en 2017.
C’est dans l’ancien aéroport militaire de Payerne que S3, la société de Pascal Jaussi, s’est installée. Comme celui-ci l’a expliqué le 13 mars dernier, l’objectif en est de commercialiser une navette réutilisable ayant pour vocation principale de lancer des petits satellites dans un marché où la demande est freinée par les coûts prohibitifs, et de démocratiser l’accès à l’espace pour l’homme grâce à un concept permettant d’obtenir des coûts de lancement jusqu’à quatre fois inférieurs à ceux du marché aujourd’hui. Il devrait être possible de proposer des tirs à moins de 10 millions de francs suisses (8,12 millions d’euros).
Le projet est estimé à 225 millions de francs suisses. Il se concrétise au travers d’un partenariat avec l’Agence spatiale européenne, l’université de Stanford en Californie, le prestigieux Von Karman Institute en Belgique, le britannique Meggitt, le belge Sonaca et Dassault Aviation en France. Il convient aussi de noter le rôle de l’EPFL, l’Ecole polytechnique de Lausanne, très impliquée dans de nombreux projets particulièrement innovants conçus avec des entreprises prêtes à jouer la carte de la recherche.
La navette est conçue pour être en mesure de placer des satellites (satellite unique de 250 kg maximum ou grappe de 10 à 50 micro-satellites de type Cubsat) en orbite basse (de 600 à 800 km de la Terre). Selon Pascal Jaussi, un contrat a déjà été signé avec le Von Karman Institute pour quatre lancements à partir de 2018. Le marché est prometteur et pourrait passer à plusieurs centaines de satellites par décennie.
Le projet vise également à permettre le vol habité suborbital – à 100 km d’altitude à la frontière entre l’atmosphère et l’espace – ce qui permettrait de multiplier le nombre d’astronautes et revendique un accès à l’espace pour tous. On peut évidemment s’interroger sur la dérive possible vers le « tourisme spatial » très en mode auprès des millionnaires prêts à débourser 200.000 dollars s’offrir un divertissement inhabituel. Le seule chose que l’on puisse dire pour justifier ce risque, c’est que dans une période où la société dans son ensemble et les Etats en particulier ont renoncé à soutenir ce qui leur revient par essence, c’est peut-être un pis-aller en attendant mieux. Les spécialistes estiment que même si la Terre a déjà été observée par de nombreux astronautes il est toutefois nécessaire de multiplier ces observations, ce qui sera favorisé par une baisse des coûts.
Or, S3 a prévu que l’avion lanceur comme la navette soient réutilisables. La navette est dans un premier temps transportée sur le dos d’un Airbus A300 jusqu’à 10.000 mètres d’altitude d’où elle est ensuite propulsée à 80km de la Terre. C’est ensuite l’étage supérieur qui prend le relais pour placer les satellites en orbite. Puis l’avion lanceur et la navette retournent à la base en vue d’une prochaine mission.
Les concepteurs du projet soulignent également qu’il est possible d’interrompre une mission sans rien perdre: «À 10.000 mètres, on peut décider de ne pas lancer la navette ; à 80 km, de ne pas larguer l’étage supérieur avec les satellites, explique le président de S3. La navette américaine était réutilisée par l’Air Force à intervalles irréguliers. Nous voulons pousser le concept plus loin afin qu’il soit rentable. Et introduire une cadence quasi industrielle en produisant entre 2 à 5 navettes par an, en installant un spatioport par continent et en réalisant une mission par mois.»
A un moment où la place financière suisse est sous attaque dans un système économique qui s’effondre, voilà le type même de projet tourné vers le futur et de nature à éveiller les vocations pour la découverte et la science dont le monde a aujourd’hui cruellement besoin.
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